Titre de l’article analysé : Do Vestibular Physiotherapy and a Clinical Pathway in the Emergency Department Improve Management of Vertigo?
Stewart V, Rosbergen I, Tsang B, Hoffman A, Kwan S, Grimley R. Do Vestibular Physiotherapy and a Clinical Pathway in the Emergency Department Improve Management of Vertigo? OTO Open. 2022 Aug 12;6(3):2473974X221119163. doi: 10.1177/2473974X221119163. PMID: 35990816; PMCID: PMC9382073.
Les vertiges sont des symptômes fréquents aux urgences, souvent sources d’incertitude diagnostique pour les cliniciens. Bien que la plupart des cas soient bénins, certains peuvent révéler des conditions graves, nécessitant une prise en charge rapide et spécifique. Une étude récente évalue les impacts d’un parcours clinique aux urgences intégrant la kinésithérapie vestibulaire sur la qualité et l’efficacité de la prise en charge des patients présentant des vertiges. Les résultats montrent une amélioration substantielle des temps d’attente, de la spécificité diagnostique et de l’efficacité des soins, bien que le taux d’admission augmente pour les cas complexes. Cet article explore les principaux résultats et leurs implications pour l’organisation des soins dans les services d’urgence.
Introduction
Les vertiges et les troubles vestibulaires représentent 3 % à 5 % des consultations aux urgences, un chiffre qui continue de croître avec l’augmentation générale de la demande dans les services d’urgence (Newman-Toker et al., 2009). La prise en charge des vertiges aux urgences est compliquée par la grande diversité des causes possibles, allant de troubles bénins comme le vertige paroxystique positionnel bénin (BPPV) à des affections graves telles que les accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans la circulation postérieure (Kattah et al., 2009).
Le diagnostic précis est d’autant plus crucial pour éviter les erreurs médicales, minimiser les réadmissions et optimiser les ressources. L’utilisation d’outils cliniques comme l’examen HINTS (Head Impulse, Nystagmus, Test of Skew) a montré une sensibilité supérieure à celle de l’imagerie précoce pour détecter les AVC dans le cadre des vertiges aigus (Tsang et al., 2017). Cependant, ces tests restent sous-utilisés dans de nombreux hôpitaux, où les cliniciens peuvent dépendre de la tomodensitométrie (CT-scan) malgré sa faible sensibilité dans ces cas (Hwang et al., 2012).
Cette étude multicentrique explore l’effet d’un parcours clinique structuré, intégré aux urgences, combinant les compétences de kinésithérapeutes vestibulaires avec des procédures cliniques précises, pour améliorer la gestion des vertiges.
Méthodologie
Cette étude rétrospective a été menée dans deux hôpitaux en Australie : un hôpital de niveau tertiaire avec 600 lits et un hôpital régional avec 371 lits. En 2015, un parcours clinique a été mis en place dans les deux établissements, intégrant l’évaluation vestibulaire par des kinésithérapeutes, qui se concentrait sur les vertiges et les troubles associés. Les dossiers médicaux des patients ont été analysés pour les périodes avant et après la mise en œuvre du parcours afin de mesurer les indicateurs de qualité et d’efficacité des soins.
Figure 1 : Arbre décisionnel
Indicateurs de qualité et d’efficacité
Les indicateurs de qualité des soins comprenaient la fréquence d’utilisation de l’examen HINTS, des tests positionnels pour le VPPB et des évaluations de l’équilibre. L’efficacité des soins a été mesurée par le temps d’attente pour l’évaluation, le taux d’admission et la durée de séjour totale aux urgences.
Résultats
Amélioration de la qualité des soins
L’implantation du parcours clinique a entraîné une amélioration notable dans plusieurs indicateurs clés de qualité des soins :
- Examen HINTS : L’utilisation de l’examen HINTS a augmenté de 27 % après la mise en œuvre du parcours (passant de 5 % avant à 32 % après), avec un intervalle de confiance (IC) à 95 % de 21 % à 33 % (p < 0,001). Ce test est essentiel pour distinguer les vertiges d’origine périphérique, comme le BPPV, des causes centrales telles que les AVC, et son utilisation accrue reflète une adoption efficace des meilleures pratiques dans la prise en charge des vertiges.
- Évaluation par un kinésithérapeute vestibulaire : La fréquence de l’évaluation vestibulaire par un kinésithérapeute a doublé, passant de 11 % avant à 38 % après l’implantation du parcours (IC à 95 % de 20 % à 33 % ; p < 0,001). L’évaluation clinique par un spécialiste vestibulaire est cruciale pour un diagnostic rapide et précis.
- Tests positionnels pour les VPPB : Ces tests, cruciaux pour diagnostiquer les vertiges d’origine bénigne, ont également augmenté de 12 % (de 35 % à 47 %, IC à 95 % de 4 % à 20 % ; p = 0,006), une augmentation significative qui renforce la capacité des cliniciens à fournir un diagnostic spécifique et efficace.
- Évaluation de l’équilibre : Le nombre d’évaluations de l’équilibre a augmenté de 17 % à 26 % (IC à 95 % de 3 % à 17 % ; p = 0,009), ce qui contribue à une prise en charge plus complète des patients.
Ces résultats montrent que le parcours clinique a permis d’optimiser les pratiques diagnostiques, en se basant sur des techniques cliniques validées pour une meilleure précision dans l’identification des causes de vertige.
Réduction des temps d’attente et de séjour aux urgences
L’implémentation du parcours a également permis de réduire significativement le temps d’attente pour une évaluation vestibulaire et la durée de séjour totale aux urgences, éléments cruciaux pour l’efficience des soins :
- Temps d’attente : Le temps moyen pour accéder à une évaluation vestibulaire a été réduit de manière significative, passant de 25 heures à 4,6 heures (IC à 95 % de -27,1 heures à -14,1 heures ; p < 0,001). Cette réduction reflète une meilleure gestion des ressources humaines et une optimisation du parcours patient.
- Durée de séjour aux urgences : La durée moyenne de séjour aux urgences est passée de 3,9 heures à 3,2 heures, soit une réduction de 18 % (IC à 95 % de -1,0 heure à -0,3 heure ; p < 0,001). Réduire le temps de séjour permet aux urgences de libérer des ressources plus rapidement pour d’autres patients, augmentant ainsi l’efficacité globale du service.
Effet de l’évaluation vestibulaire sur le diagnostic et les admissions
L’intégration d’une évaluation par un kinésithérapeute vestibulaire a eu un impact positif sur la spécificité du diagnostic, bien qu’elle ait été associée à une augmentation des taux d’admission :
- Spécificité diagnostique : Les patients ayant reçu une évaluation vestibulaire ont bénéficié d’un diagnostic spécifique dans 65 % des cas, contre seulement 34 % pour ceux qui n’avaient pas bénéficié de cette évaluation (IC à 95 % de 22 % à 40 % ; p < 0,001). Cela met en lumière l’importance de la kinésithérapie vestibulaire pour orienter rapidement les patients vers des soins adaptés.
- Taux d’admission : Les patients évalués par un kinésithérapeute avaient un taux d’admission plus élevé (79 % contre 49 % pour les non-évalués ; IC à 95 % de 22 % à 38 % ; p < 0,001), et leur durée de séjour total à l’hôpital a également augmenté, atteignant 13 heures en moyenne contre 5 heures pour les patients non évalués (IC à 95 % de 6,1 à 10,6 heures ; p < 0,001). Cela indique que les patients plus complexes, qui nécessitent une évaluation approfondie, sont correctement pris en charge.
Discussion
Les résultats de cette étude mettent en évidence l’efficacité du parcours clinique intégrant la kinésithérapie vestibulaire pour améliorer la qualité et l’efficience des soins d’urgence. La mise en œuvre de techniques diagnostiques spécifiques, comme l’examen HINTS et les tests positionnels pour le BPPV, démontre une meilleure adoption des pratiques fondées sur des preuves pour différencier les troubles bénins des conditions nécessitant une attention urgente (Newman-Toker et al., 2015).
Cependant, l’augmentation du taux d’admission pour les patients bénéficiant de l’évaluation vestibulaire suggère que ce parcours est principalement utilisé pour les cas complexes. Les hôpitaux pourraient donc envisager de créer des cliniques ambulatoires spécialisées pour les cas bénins identifiés dès l’évaluation initiale, permettant de limiter les hospitalisations et d’optimiser l’utilisation des ressources (Stewart et al., 2019).
Conclusion
La mise en place d’un parcours clinique incluant la kinésithérapie vestibulaire pour les vertiges aux urgences améliore de manière significative la qualité et l’efficacité des soins. En réduisant les temps d’attente pour les évaluations et en augmentant la spécificité diagnostique, ce modèle optimise le flux de patients tout en offrant une prise en charge plus appropriée et rapide. L’extension de ce modèle à des cliniques ambulatoires spécialisées pourrait encore améliorer les résultats pour les patients, tout en libérant des ressources pour les patients nécessitant des soins intensifs.
Newman-Toker DE, et al. Disconnect between charted vestibular diagnoses and emergency department management decisions: a cross-sectional analysis from a nationally representative sample. Acad Emerg Med. 2009;16:970-977.
Stewart V, et al. Do Vestibular Physiotherapy and a Clinical Pathway in the Emergency Department Improve Management of Vertigo? OTO Open. 2022;6(3):1-9.
Venhovens J, et al. Acute vestibular syndrome: a critical review and diagnostic algorithm concerning the clinical differentiation of peripheral versus central aetiologies in the emergency department. J Neurol. 2016;263:2151-2157.
Tsang BK, et al. Acute evaluation of the acute vestibular syndrome—differentiating posterior circulation stroke from acute peripheral vestibulopathies. Intern Med J. 2017;47(12):1352-1360.