Introduction
Les migraines sont l’une des affections neurologiques les plus courantes et invalidantes, touchant environ 12% de la population adulte. Pour les kinésithérapeutes, il est essentiel de comprendre comment cette pathologie peut affecter les patients et de quelle manière une prise en charge appropriée peut améliorer leur qualité de vie.
Comprendre la migraine
La migraine se distingue des autres céphalées par son caractère pulsatile, unilatéral, et son association fréquente avec des symptômes tels que la photophobie, la phonophobie, et des nausées. On distingue plusieurs types de migraines, notamment la migraine sans aura, la migraine avec aura, et la migraine chronique. Chaque type a ses spécificités diagnostiques et impacte différemment la vie des patients.
Les migraines ne sont pas seulement une douleur de tête; elles s’accompagnent souvent de vertiges, d’anxiété anticipatoire, et d’une fatigue chronique, ce qui peut considérablement altérer la qualité de vie des patients. Les vertiges, en particulier, peuvent être associés à des troubles vestibulaires, nécessitant une prise en charge spécifique.
Figure 1 : Schématisation simplifiée des différents types de céphalées
Comprendre la migraine vestibulaire
La migraine vestibulaire [1] est un syndrome complexe qui combine des symptômes de la migraine classique avec des troubles vestibulaires, tels que des vertiges et des déséquilibres. Contrairement aux migraines classiques, la migraine vestibulaire est souvent sous-diagnostiquée en raison de la complexité de ses symptômes, qui ne sont pas toujours synchronisés. Environ 1 à 27% de la population adulte pourrait être affectée par cette condition, ce qui en fait une cause majeure de vertige.
Figure 2 : Schématisation des différentes phases d’une crise de migraine
Diagnostic de la migraine vestibulaire
Le diagnostic repose principalement sur une évaluation clinique, car il n’existe pas de test biologique spécifique pour cette pathologie. Selon les critères de l’International Classification of Headache Disorders (ICHD-3) [2], un patient doit avoir des antécédents de migraine, au moins cinq épisodes de symptômes vestibulaires, et la présence concomitante de caractéristiques migraineuses pendant la moitié des épisodes de vertige. L’absence de biomarqueurs et la variabilité des symptômes rendent le diagnostic de la migraine vestibulaire particulièrement difficile.
Figure 3 : Critères diagnostiques de la migraine vestibulaire selon l’ICDH-3
La rééducation vestibulaire : Un outil clé pour les kinésithérapeutes
La rééducation vestibulaire est une approche thérapeutique visant à réduire les symptômes vestibulaires et à améliorer la qualité de vie des patients souffrant de troubles de l’équilibre, y compris ceux liés à la migraine vestibulaire. Cette rééducation repose sur des exercices spécifiques qui exploitent les capacités d’adaptation du cerveau pour compenser les dysfonctionnements du système vestibulaire.
L’objectif principal de la rééducation vestibulaire est d’aider le patient à retrouver un équilibre postural stable et à diminuer la fréquence et l’intensité des vertiges. Cela est réalisé en renforçant la capacité du cerveau à utiliser les informations provenant des autres systèmes sensoriels (visuel et proprioceptif) pour compenser le dysfonctionnement vestibulaire.
Techniques et exercices de rééducation vestibulaire
La rééducation vestibulaire [3] repose sur l’adaptation, l’habituation, et la substitution des systèmes sensoriels affectés. Ces techniques permettent au cerveau de compenser les déficiences vestibulaires, réduisant ainsi les vertiges et améliorant l’équilibre du patient. En combinant ces exercices à un programme de renforcement musculaire et de mobilité, le kinésithérapeute peut offrir une prise en charge complète, adaptée aux besoins spécifiques de chaque patient.
- Adaptation : Cette technique vise à améliorer la capacité du système vestibulaire à répondre aux stimuli en ajustant la réponse sensorielle. Par exemple, des exercices où le patient fixe un point tout en bougeant la tête sont souvent utilisés pour renforcer la stabilité visuelle et réduire les vertiges.
- Habituation : Cette méthode repose sur la répétition de mouvements qui déclenchent les symptômes, dans le but de désensibiliser le patient. En répétant ces mouvements, le cerveau apprend à diminuer sa réponse excessive aux stimuli provoquant les vertiges. Des exercices tels que la rotation de la tête ou le changement de position du corps sont typiquement utilisés.
- Substitution : Lorsque le système vestibulaire est gravement déficient, les autres systèmes sensoriels doivent compenser. Des exercices sont conçus pour renforcer la dépendance sur les systèmes visuel et proprioceptif, comme l’entraînement à l’équilibre avec les yeux fermés ou sur des surfaces instables.
- Exercices d’équilibre et de locomotion : Ceux-ci incluent la marche sur une ligne droite avec des perturbations visuelles ou la station debout sur une surface instable tout en effectuant des mouvements de tête. L’objectif est d’améliorer la stabilité et la coordination globale du patient.
Conclusion
Pour les kinésithérapeutes, la prise en charge des migraines, en particulier des migraines vestibulaires, représente une opportunité d’améliorer considérablement la qualité de vie des patients. En intégrant la rééducation vestibulaire dans leur pratique, les kinésithérapeutes peuvent offrir des solutions efficaces et accessibles pour gérer les symptômes complexes de cette pathologie.
Pour aller plus loin
Article en lien : https://rehab4neuro.com/2023/10/20/vertiges-et-atteintes-neurologiques-centrales/
[1] R G, D S. Referral and final diagnoses of patients assessed in an academic vertigo center. Frontiers
in Neurology 2012;3.
[2] Ashina M, Terwindt GM, Al-Karagholi MA-M, de Boer I, Lee MJ, Hay DL, et al. Migraine: disease
characterisation, biomarkers, and precision medicine. Lancet 2021;397:1496–504.
[3] Aydin İ, Gokcay F, Karapolat H, Eraslan S, Bilgen C, Kirazli T, et al. Effects of Vestibular Rehabilitation
and Pharmacological Therapy in Patients with Vestibular Migraine. Neurological Sciences and
Neurophysiology 2020;37:110.