14 février 2025

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Rééducation motrice après AVC : Le rôle des marqueurs IRM dans la compréhension et l’optimisation de la neuroplasticité

Par Afonso Pimenta Sergio

14 février 2025

atteintes centrales, AVC, kinésithérapie, neuroplasticité, Réeducation

Titre de l’article analysé : Marqueurs IRM de la connectivité fonctionnelle et de la microstructure tissulaire dans la rééducation motrice liée à un accident vasculaire cérébral : une revue systématique.

Tavazzi E, Bergsland N, Pirastru A, Cazzoli M, Blasi V, Baglio F. MRI markers of functional connectivity and tissue microstructure in stroke-related motor rehabilitation: A systematic review. Neuroimage Clin. 2022;33:102931. doi: 10.1016/j.nicl.2021.102931. Epub 2021 Dec 29. PMID: 34995869; PMCID: PMC8741615.

Contexte et objectif

L’AVC est une cause majeure d’incapacité motrice, dont la rééducation constitue un enjeu crucial. La rééducation motrice vise non seulement à améliorer les capacités fonctionnelles des segments corporels affectés, mais aussi à induire une plasticité cérébrale bénéfique, ou « neuroplasticité ». À l’aide des marqueurs avancés d’imagerie par résonance magnétique (IRM), il est désormais possible d’observer les effets de la rééducation sur le cerveau, de guider les protocoles thérapeutiques et de maximiser les chances de récupération motrice.

Neuroplasticité après AVC : Un Processus adaptatif et maladaptatif

La neuroplasticité est le processus par lequel le cerveau se réorganise en réponse aux lésions dues à un AVC. En rééducation, l’objectif est de favoriser une plasticité adaptative, permettant une réorganisation fonctionnelle des aires cérébrales motrices. Cependant, certaines formes de plasticité, dites maladaptatives, peuvent survenir lorsque des régions du cerveau, comme l’hémisphère non lésé, prennent le relais de manière inappropriée, freinant ainsi la récupération.

Plasticité Maladaptative : Lorsque l’hémisphère non lésé (controlésionnel) montre une hyperactivation, cela peut entraîner une surcompensation inadaptée, limitant ainsi l’utilisation de l’hémisphère lésé et donc la rééducation.

Plasticité Adaptative : Les marqueurs IRM, notamment l’IRM fonctionnelle (fMRI) et la diffusion (DTI), montrent que la rééducation améliore la connectivité du cortex moteur de l’hémisphère lésé (ipsilésionnel) avec les zones motrices adjacentes, permettant une compensation des fonctions motrices altérées.

Les marqueurs IRM pour suivre et mesurer la plasticité cérébrale

Les avancées en IRM permettent de suivre la rééducation d’un point de vue fonctionnel et structurel :

IRM de diffusion (DTI) : Elle mesure la microstructure des tissus cérébraux, en particulier la mobilité des molécules d’eau dans les fibres de la matière blanche. L’anisotropie fractionnelle (FA) obtenue via DTI est utilisée comme marqueur d’intégrité des fibres neuronales, et elle augmente avec la rééducation, indiquant une meilleure connectivité neuronale dans les régions cérébrales touchées.

IRM fonctionnelle (fMRI) : Cet outil capture la connectivité fonctionnelle (FC) entre les régions cérébrales. Il permet de visualiser l’activité cérébrale, notamment au repos (rs-fMRI) ou lors de tâches motrices spécifiques. Les études montrent que la rééducation post-AVC améliore souvent la FC dans le cortex moteur ipsilésionnel, aidant la récupération motrice.

Figure 1 : Exemple d’IRMf

Efficacité des techniques de rééducation sur la connectivité fonctionnelle : Études et résultats

La revue analyse 43 études où les techniques de rééducation sont corrélées aux changements de connectivité fonctionnelle et de structure cérébrale.

Wu et al. (2019) : Dans une étude utilisant BCI, des patients ont montré une activation diffuse et bilatérale après 4 semaines de rééducation, suggérant que la BCI pourrait permettre une compensation active de l’hémisphère lésé par l’hémisphère non lésé, en renforçant les circuits neuronaux existants.

Étude de Fan et al. (2015) : Cette étude a révélé qu’un entraînement bilatéral des membres supérieurs chez des patients subaigus améliore la connectivité fonctionnelle (FC) entre les cortex moteurs gauche et droit (M1-M1), ce qui a permis une meilleure récupération de la motricité. Cette activation bilatérale semble essentielle pour favoriser la communication entre les deux hémisphères après un AVC.

Várkuti et al. (2013) : Cette étude a examiné l’effet de l’imagerie mentale (MI) associée à une interface cerveau-machine (BCI). Les résultats montrent une augmentation de la connectivité dans l’aire motrice supplémentaire (SMA) et le cervelet. Ce type de rééducation active non seulement les zones motrices mais aussi celles associées au contrôle moteur, suggérant que des approches combinant entraînement physique et imagerie mentale pourraient avoir un effet bénéfique durable sur la neuroplasticité.

Comparaison entre types de rééducation motrice et efficacité

Les types de rééducation motrice varient en fonction des besoins du patient et des segments corporels affectés, et les résultats varient en conséquence :

Rééducation des Membres Inférieurs via Entraînement Robotisé : Les études sur la marche assistée par robot révèlent que cet entraînement est particulièrement bénéfique pour l’intégrité des fibres dans les régions cérébrales motrices. Kim et al. (2020) ont rapporté une amélioration de l’anisotropie fractionnelle (FA) dans le cortex sensorimoteur controlésionnel, traduisant une intégrité améliorée des fibres neuronales. Luft et al. (2008) ont démontré que le tapis roulant active le cervelet et le tronc cérébral, des zones cruciales pour la coordination de la marche et la posture.

Thérapie Induite par la Contrainte (CIMT) pour les Membres Supérieurs : Cette technique, qui impose l’utilisation du membre affecté, a montré son efficacité pour les patients atteints d’AVC chronique. Par exemple, Gauthier et al. (2008) ont observé une augmentation du volume de matière grise dans le cortex sensorimoteur (SMC) et l’hippocampe chez les patients traités avec CIMT, traduisant une réorganisation structurelle favorable. La CIMT stimule fortement le cortex moteur ipsilésionnel, facilitant la récupération des fonctions motrices.

Facteurs qui Influencent l’efficacité des protocoles de rééducation

Durée et Fréquence des Sessions de Rééducation : Des séances fréquentes (3 à 5 fois par semaine) sur une période prolongée (plusieurs semaines) montrent de meilleurs résultats en termes de récupération. Ramos-Murguialday et al. (2013) ont noté que la connectivité fonctionnelle entre le cortex moteur ipsilésionnel et les zones associées reste élevée après quatre semaines de rééducation avec BCI.

Impact du Suivi à Long Terme : La durabilité des améliorations reste une question. Murayama et al. (2011) montrent que les bénéfices de la CIMT se maintiennent trois mois après l’intervention, mais sans suivi, ces gains peuvent disparaître. Il semble donc crucial de continuer des exercices de stimulation motrice au-delà de la rééducation initiale.

Intégration de Techniques Avancées : L’imagerie mentale (MI), la réalité virtuelle, et les interfaces cerveau-machine (BCI) montrent des résultats prometteurs. En particulier, Várkuti et al. (2013) ont observé que l’imagerie mentale couplée à BCI entraîne une activation des régions motrices, et semble renforcer la réorganisation cérébrale de manière durable.

Prévention de la plasticité maladaptative et recommandations pratiques

Limiter les Compensations Excessives de l’Hémisphère Non Affecté : Certaines études, comme celle de Sun et al. (2013), montrent qu’une activation excessive de l’hémisphère non lésé peut limiter la rééducation du côté lésé. Il est recommandé d’orienter les exercices pour solliciter principalement l’hémisphère lésé et de renforcer les circuits neuronaux ipsilésionnels pour éviter les effets de la plasticité maladaptative.

Personnalisation des Protocoles de Rééducation : Les patients présentant une intégrité partielle du cortex moteur ipsilésionnel répondent mieux à des exercices focalisés sur cette région. Il est conseillé de pratiquer une IRM avant la rééducation pour adapter les exercices en fonction de la connectivité fonctionnelle et de l’intégrité tissulaire de chaque patient.

Vers une rééducation individualisée basée sur les marqueurs IRM

L’une des avancées les plus prometteuses pour les kinésithérapeutes réside dans l’individualisation de la rééducation grâce aux marqueurs IRM. Ceux-ci permettent de définir les capacités de récupération motrice de chaque patient, en identifiant les zones de connectivité intactes et les zones à renforcer. Cette approche permettra d’adapter les protocoles de rééducation pour maximiser la récupération.

Conclusion

L’IRM et ses marqueurs de connectivité offrent aux kinésithérapeutes un outil de compréhension et de suivi précieux de la plasticité cérébrale. En combinant ces avancées scientifiques avec des techniques de rééducation spécifiques, il devient possible de personnaliser les approches thérapeutiques, maximisant ainsi les chances de récupération et évitant les pièges de la plasticité maladaptative.


[1] Nielsen G, Stone J, Matthews A, et al. Physiotherapy for functional motor disorders: a consensus recommendation. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2015; 86: 1113–19.

Afonso Pimenta Sergio

A propos de l'auteur

Kinésithérapeute spécialisé en neurologie.
Enseignant en formation initiale (Aix-Marseille Université, École des Sciences de la Rééducation).
DE d'imagerie médicale (2010)
DIU vestibulaire, analyse et rééducation des troubles de l'équilibre (2022)

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