16 décembre 2024

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Une prise en charge spécialisée améliore t’elle les Troubles Fonctionnels Moteurs ?

Par Afonso Pimenta Sergio

16 décembre 2024

kinésithérapie, Rééducation, TNF

Titre de l’article analysé : Physiothérapie spécialisée dans les troubles fonctionnels moteurs en
Angleterre et Écosse (Physio4FMD) : un essai contrôlé randomisé de phase 3 pragmatique et multicentrique.

Glenn Nielsen, Jon Stone, Teresa C Lee, Laura H Goldstein, Louise Marston, Rachael Maree Hunter, Alan Carson, Kate Holt, Jon Marsden, Marie Le Novere, Irwin Nazareth, Hayley Noble, Markus Reuber, AnnMarie Strudwick, Beatriz Santana Suarez, Mark J Edwards, au nom du Groupe d’étude Physio4FMD.

Contexte et objectif

Les troubles fonctionnels moteurs (TFM) sont une forme de troubles neurologiques fonctionnels (TNF) caractérisés par des symptômes moteurs tels que la faiblesse, les mouvements anormaux et les troubles de la marche. Ces affections sont souvent invalidantes et associées à de mauvais pronostics lorsqu’elles ne sont pas traitées adéquatement. Bien que des approches thérapeutiques, notamment psychologiques, aient été explorées, la physiothérapie spécialisée [1] basée sur des modèles physiopathologiques récents a émergé comme une intervention prometteuse. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’efficacité clinique d’une intervention de physiothérapie spécialisée par rapport au traitement habituel pour les patients atteints de TFM.

Population

Tous les patients adultes âgés de 18 ans et plus, ayant un diagnostic cliniquement certain de TFM établi par un neurologue. Les critères d’inclusion exigeaient la capacité du participant à participer à la physiothérapie, tandis que les critères d’exclusion comprenaient des troubles neurologiques concomitants majeurs, des affections médicales graves non stabilisées, des troubles psychiatriques sévères non traités et une participation antérieure à une physiothérapie pour TFM.

Méthode

Type d’étude : Essai contrôlé randomisé (ECR) de phase 3, pragmatique et multicentrique.

Sites de l’étude : 11 hôpitaux situés en Angleterre et en Écosse.

Période de l’étude : Le recrutement a eu lieu du 19 octobre 2018 au 11 mars 2020, interrompu en raison de la pandémie de COVID-19, puis repris du 3 août 2021 au 31 janvier 2022.

Analyses statistiques : L’analyse principale a suivi le principe de l’intention de traiter modifiée, excluant les participants dont le traitement a été interrompu par la pandémie. Une approche par cas complets a été utilisée, et les analyses ont été ajustées pour des facteurs potentiellement confondants.

Intervention

Physiothérapie spécialisée (Intervention) : Une intervention structurée comprenant neuf séances de physiothérapie spécialisées basées sur un protocole spécifique, suivies d’une séance de suivi. Cette intervention se concentrait sur le réapprentissage moteur, la prise de conscience des déclencheurs symptomatiques et des stratégies cognitives pour contrôler les symptômes.

Comparateurs

Traitement habituel (Contrôle) : Orientation vers une physiothérapie neurologique communautaire standard sans protocole spécifique pour le TFM.

Critères d’évaluation

Critère principal de jugement : L’évaluation du fonctionnement physique à l’aide du domaine correspondant du questionnaire SF-36, 12 mois après la randomisation.

Résultats

Population étudiée : Sur les 355 participants inscrits, 179 ont été assignés à la physiothérapie spécialisée et 176 au traitement habituel. En raison des interruptions liées à la COVID-19, 89 participants ont été exclus de l’analyse principale (27 du groupe d’intervention et 62 du groupe de contrôle).

Analyse principale : 241 participants ont été inclus (138 dans le groupe de physiothérapie spécialisée et 103 dans le groupe de traitement habituel).

Critère principal : Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les deux groupes concernant le fonctionnement physique évalué par le SF-36 à 12 mois. La différence moyenne ajustée était de 3,5 points en faveur de la physiothérapie spécialisée, avec un intervalle de confiance à 95% allant de -2,3 à 9,3 (p = 0,23).

Résultats secondaires :

Figure 1 : Résultats subjectifs à 6 et 12 mois

  • Amélioration subjective des symptômes moteurs : Une proportion significativement plus élevée de participants dans le groupe de physiothérapie spécialisée a rapporté une amélioration de leurs symptômes moteurs par rapport au groupe de traitement habituel.
  • Santé mentale : Les mesures subjectives de la santé mentale ont montré des scores meilleurs dans le groupe de physiothérapie spécialisée.
  • Qualité de vie : Bien que non détaillée, des tendances positives ont été notées en faveur de l’intervention spécialisée.

Événements indésirables :

  • Aucun événement indésirable grave lié directement aux interventions de l’étude n’a été rapporté.
  • Dans le groupe de physiothérapie spécialisée, 35 événements indésirables graves ont été signalés chez 24 participants (17%), y compris un décès par suicide. Ces événements ont été jugés non liés à l’intervention.
  • Dans le groupe de traitement habituel, 24 événements indésirables graves ont été rapportés chez 18 participants (17%).

Conclusion des auteurs

Bien que la physiothérapie spécialisée n’ait pas démontré une amélioration statistiquement significative du fonctionnement physique à 12 mois, des bénéfices subjectifs, notamment en termes d’amélioration des symptômes moteurs et de santé mentale, ont été observés. Ces résultats suggèrent que, même si l’intervention n’affecte pas nécessairement les mesures objectives de fonctionnement physique, elle peut avoir un impact positif sur la perception des patients concernant leurs symptômes et leur bien-être mental.

Commentaires

Limites

Impact de la pandémie de COVID-19 : Les interruptions causées par la pandémie ont conduit à l’exclusion de plusieurs participants, ce qui pourrait avoir affecté la puissance statistique de l’étude.

Auto-évaluation : L’utilisation d’auto-questionnaires pour évaluer le fonctionnement physique peut introduire des biais subjectifs.

Généralisabilité : Les résultats peuvent ne pas être généralisables à toutes les populations atteintes de TFM, notamment celles présentant des comorbidités non représentées dans l’échantillon étudié.

Puis-je appliquer ces résultats à mes patients ?

Les résultats de cette étude suggèrent que bien que la physiothérapie spécialisée puisse être utile pour certains aspects de la gestion des TFM, les cliniciens doivent rester prudents quant à ses limites et envisager une approche de traitement multidisciplinaire pour maximiser les bénéfices pour les patients.

Notre conclusion

La physiothérapie spécialisée est une intervention sûre et bien acceptée par les patients atteints de TFM. Bien qu’elle n’ait pas démontré de supériorité significative sur le traitement habituel en termes de fonctionnement physique objectif, les améliorations subjectives rapportées suggèrent un bénéfice potentiel. Des recherches futures devraient se concentrer sur l’optimisation des interventions de physiothérapie pour cette population, peut-être en combinant des approches physiques et psychologiques, et sur l’identification des sous-groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier de telles interventions.


[1] Nielsen G, Stone J, Matthews A, et al. Physiotherapy for functional motor disorders: a consensus recommendation. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2015; 86: 1113–19.

Afonso Pimenta Sergio

A propos de l'auteur

Kinésithérapeute spécialisé en neurologie.
Enseignant en formation initiale (Aix-Marseille Université, École des Sciences de la Rééducation).
DE d'imagerie médicale (2010)
DIU vestibulaire, analyse et rééducation des troubles de l'équilibre (2022)

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